samedi 27 mai 2017

300 bornes dont 150 avec un genou en compote

L'acteur principal de la journée
 
Après l'échec de mon dernier 300, commencé mais terminé en brevet de 150, j'ai des comptes à rendre avec moi-même. La pilule a été dure à avaler. Je décide donc de m'inscrire pour le prochain 300, histoire de remonter mon estime personnelle. Ce sera aussi un test pour mon Piuma sur une plus longue distance, notamment pour peaufiner ma position et améliorer mon rendement sur un tel bolide. Ultime check de la météo deux jours avant le rendez-vous, celle-ci passe le test. J'envoie mon inscription à Jean, nous sommes 6 inscrits sur le site du CVRM. 

A l'aube du samedi 27 Mai, je quitte mon condo et pédale pour le lieu de départ. Je suis faiblement chargé, pas de sacoche Arkel, juste un sac de selle extensible qui contient mon kit de dépannage, diverses crèmes et quelques bricoles à grignoter. J'ai aussi mon petit sac de tube horizontal qui contient mon tableau de marche sur le dessus, mes blocs d'alimentation pour mes recharges en électricité ainsi que quelques denrées énergétiques. L'objectif du jour est d'abord d'aller au bout, ensuite d'essayer de foncer pour faire un bon temps, enfin de tenter de battre mon record de 14h09 établi en 2015, lors de la préparation du PBP. 

Jean et Fred sont déjà stationnés, discussion amicale avec notre fusée champenoise de service. Lui aussi voudrait faire une performance sur ce brevet, les conditions météo étant effectivement idéales. Après tout, qu'est-ce que 300 bornes quand on sait qu'une certaine Jessica Belisle a effectué environ cette distance pendant 10 jours consécutifs lors de son Tour du Québec. Nous autre, on serait bien capable de le faire juste une fois, que je souffle à super Perman, mon demi-belge préféré. Michel Lemaire et Martin Dugré finissent de préparer leur matose, nous serons 5 participants au lieu des 6 prévus, Yvon Clément ayant préféré rester sous la couette, le chanceux. Pour 6h, chacun sort son plus beau sourire et c'est parti pour une belle journée de plaisir. 

Bibi, Martin, Michel, Fred et Jean derrière le kodak (photo CVRM)

1- De St-Lambert à St-Césaire, 54 bornes. 

Fred s'élance sans attendre, parti encore une fois pour la postérité, battra-t-il son record, réponse dans une dizaine d'heures, temps à battre 10h20, Go Freddy Go ! Martin n'est pas encore prêt au coup de starter, Jean le bon samaritain attend son copain. Nous partons à deux avec Michel, un nouveau venu au club. Je m'arrête sur Lapinière pour mettre en marche le tracker sur mon cell, comme cela ma chérie pourra suivre ma progression et venir me rejoindre si ça lui tente. 

Je fais connaissance avec mon compagnon d'aventure, sûrement qu'on passera une partie de la journée ensemble. Michel en est à son premier brevet de 300, il est un peu anxieux. Âgé de 58 ans, il a été victime de problèmes cardiaques il y a quelques années, il s'est donc mis au vélo pour la première fois de sa vie, d'abord pour se remettre en santé puis pour se lancer de nouveaux défis. Tiens donc, ça me rappelle certaines personnes du club qui ont aussi choisi le vélo pour se donner d'autres chances de bouffer la vie à pleine dent. Pour compléter le portrait, il chevauche un Specialized Tarmac carbone, roues a boyaux, il fait partie du club Vélo Passion et son objectif serait de participer au PBP 2019 en effectuant les brevets qualificatifs. Je le trouve très en shape, la mission est déjà à moitié accomplie. 

Nous roulons aisément sur une base de 26 sans forcer. La température n'est pas trop fraiche ce matin, je suis habillé en cuissard court mais un justaucorps sous le maillot n'est pas de trop. Les conditions sont super pour cycler, vent faible moins de 10 km/h à dominance ouest, ciel voilé qui passera à bleu en journée et une température maxi de 24 degrés, merci pour ce bulletin météo. J'ai remonté ma selle en début de semaine, me trouvant trop bas. J'espère que cette nouvelle position améliorera mon rendement, c'est ce qu'on verra par la suite. 

On enchaîne les relais, l'entente est bonne. Voilà Chambly, on papote encore quand les conditions le permettent. Un bout sur la 104, un autre bout dans la campagne proche d'un golf et St-Césaire est atteint à 8h10, mon tableau de marche est respecté. Je voudrais limiter les arrêts au minimum car c'est en partie de cette manière qu'on peut gagner sur le temps écoulé. Jean et Martin arrivent peu après nous, ça marche bien votre affaire nous dit Jean, gracias lui réponds-je. Pointage, pipi, grignotage et on remet en route. 

Michel, la nouvelle recrue

Jean, bouffeur de muffin

Mon nouveau compagnon d'aventures

2- De St-Césaire à Lac-Brôme, 61 bornes. 

Je repars avec mon nouvel équipier, les 2 autres prolongent leur pause, vous nous rattraperez, leur dis-je. On enchaîne par la piste cyclable, le contexte est agréable, la verdure est revenue dans le paysage, ça sent les beaux jours, on apprécie le moment. En approchant de Granby, sur les petits faux plats insignifiants, je ressens par court instant, de drôles de sensations dans le genou gauche, bizarre, bizarre, néanmoins à suivre. Nous dépassons le lac Boivin, km 80, pas de halte, les jambes sont correctes. Je me remémore le dernier 300, assis à l'abri du vélogare et dégoûté par une énième averse. J'avais renoncé là par manque de motivation évidente. Cette fois-ci, j'ai passé le cap, je suis motivé et ça va être une belle journée. 

Un peu de 112 et hop à droite, on grimpouille par le chemin Saxby en direction de Bromont. Je demande à Michel s'il est bon dans les côtes, il me répond que c'est pas son point fort, cool, moi non plus. En fait, tous mes points ne sont pas forts. Sans trop forcer, on passe les côtelettes du chemin Brôme. Mes mauvaises sensations sont toujours présentes mais c'est supportable, ça va passer que je me dis. On redescend sur la 104 partiellement repavée, excellente initiative, on peut même rouler en sécurité sur la très petite bande cyclable. 

Voilà déjà l'IGA du 2éme contrôle au km 115. Il est 11h, toujours dans les temps prévus, 20 minutes d'arrêt. Le duo Jean-Martin nous rejoint alors que nous sommes attablés à dévorer notre pitance, sandwich au jambon, salade de crevettes, jello comme dessert, pas de liquide, mes gourdasses sont encore bien remplies. Texto à ma chérie qui me suit et m'encourage à distance, je lui dis que ça ne va pas trop mal pour l'instant. Intermède sanitaire and it's time to go pour notre duo qui reclippe pour la suite de notre aventure. 

Carbone et Titane

Petit rictus joyeux ?

Pause ravito à Lac-Brôme

3- De Lac-Brôme à Sutton, 63 bornes. 

Nous attaquons la boucle du mont Sutton, ça commence par l'abominable 243, toujours pas refaite depuis le temps que je l'emprunte. Les relais se succèdent sur cette route passagère, ça file bon train malgré les faux plats et les bosselettes nous conduisant à Mansonville. Je propose le court arrêt facultatif au dépanneur, Michel acquiesce volontiers, un peu de boisson fraîche ne fait jamais de mal. Jean et Martin étaient sur nos talons, ils stoppent aussi, passage aux puits pour Jeannot. Ils repartent devant, nous leur emboîtons le pas 2 minutes après mais nous n'effectuons pas la jonction. 

Voici à présent la vallée de la Missisquoi parsemée de petits raidillons, la douleur au genou se réveille soudainement, ça commence à tirer méchamment sur mon tendon. Oups, je n'avais pas prévu ce scénario car je n'ai jamais eu de problème avec mes articulations. Il reste la moitié de la distance à parcourir m'indique mon GPS, soit 150 bornes, la situation est grave mais pas désespérée. Cependant, la redoutable Scénic approche bientôt et il va falloir négocier avec mon handicap. Je laisse filer Mitch devant et décide de ménager mon côté gauche, c'est le droit qui devra fournir plus d'énergie. Qui va piano va sano, doucement mais sûrement, je franchis l'obstacle, mes pulsations sont bien tranquilles car il fallait réduire la puissance des bielles du moteur. Ce n'est pas encore ce coup-ci que je pulvériserai mon record personnel sur la Scénic. 

En haut de la côte, je ne retrouve pas mon acolyte, je crains qu'il ait pris à droite, la route directe indiquant Sutton 7 km, évitant ainsi le passage par Abercorn. C'est effectivement ce qui se passe, malgré les remontrances de son Garmin 800 lui indiquant Hors Parcours, il a continué dans la mauvaise direction. Je redescends donc solo sur Abercorn puis remonte plein nord vers le 3éme checkpoint de Sutton, km 180. Le vent est sensiblement défavorable, ce que n'apprécie pas mon genou, ça me fait vraiment chier, vivement la pause. 

Pour 14h, j'atteins l'IGA ou Michel est déjà là depuis un bon quart d'heure, avec 5 km de moins au compteur mais quelques bosses en plus. Jean et Martin sont aussi arrivés et font un long arrêt au Subway, nous le saurons par la suite et repartirons avant eux. Pour le moment, halte gastronomique, mon compagnon de fortune m'attend pour reprendre ensemble, c'est sympa. Faut dire qu'il se sent peut-être plus rassuré d'avoir un guide ayant fait le parcours plus d'une dizaine de fois. Au menu, taboulé, petite assiette dégustation composée de raisin, fromage, crackers, noix, le tout arrosé d'un coke. Ça aurait pris plutôt une petite coupe de vino mais bon. J'essaye d'éviter les boissons sucrées qui taxent trop l'organisme en glucose mais de temps en temps ça donne un boost. 

J'informe ma chérie de mon problème de guibole, elle me répond que je peux toujours prendre le bus à Granby. No way, je veux terminer ce maudit 300, dussé-je terminer sur les rotules et y passer la nuit. Je profite aussi de l'arrêt pour comprendre d’où viennent mes ennuis. Peut-être que ma jambe est trop en extension, aussi je redescends ma selle dans son ancienne position. Mais le mal est fait. Peut-être que c'est la faute de ma selle qui s'est encore déformée, trop à gauche, ce sont les bons et les mauvais côtés des selles Brooks, faudra que j'étudie ça par la suite. 

4- De Sutton à St-Césaire, 86 bornes. 

J'ai déjà du mal à remettre ma cale en partant, ça commence bien. Je sens cependant que la pause a été bénéfique car la douleur semble moins forte qu'il y a 30 minutes. Nous remontons par la 215 Nord jusqu'à la 104. Les faux plats jusque Cowansville réveille la blessure, Michel étant au courant de mon handicap, il ajuste sa vitesse en fonction de la mienne, c'est bien gentil de sa part. 

Mon autre arrêt facultatif à l'Ultramar de Dunham au km 212 s'impose obligatoirement, histoire de soulager ce fichu tendon car c'est de pire en pire. Jean et Martin, que l'on pensait devant, nous rejoignent, quelle belle surprise. On grignote, on jase en se désaltérant, je les informe que ça va être dur de terminer les 100 dernières bornes, et que ce n'est pas la peine de m'attendre. 

On repart pourtant à 4, j'essaie de suivre comme je peux. Doucement, le rythme s'élève à 30 de moyenne. Comme le vent est légèrement défavorable, je me dis que c'est mieux de serrer les dents et de m'accrocher au train plutôt que d'en chier seul. C'est aussi meilleur pour le moral. Je réfléchis qu'il me faut un analgésique pour endormir mon mal, malheureusement personne n'en a dans notre gruppetto. J'en avais pourtant préparé dans mon kit de survie mais il est resté dans ma sacoche Arkel, grrrrr. Il me faudra attendre un dépanneur, le prochain est à Farnham, juste à côté du Tim. 

Cette idée de soulagement prochain m'incite à aller au bout de ma torture et à coller la roue de Jean. Celui-ci m'y encourage et j'apprécie son intention. La moyenne ne fléchit pas jusque Farnham, km 243, ça fonce. Voilà le dép salvateur et ses Tylénol extra fort, allez hop, 2 dans le gosier et attendons les effets. On profite de cette halte inopinée pour se sustenter. St-Césaire n'est qu'à 16 km, on décide de faire juste un stop and go à cet avant dernier contrôle. 

Ça repart toujours aussi vite, les médocs commencent à agir, je me sens mieux jusqu'au checkpoint, atteint vers 18h15, c'est encore très bon dans mon plan de marche. Comme prévu, nous prenons une courte pause à l'Ultramar de St-Césaire, dans l'agréable tiédeur de cette fin de journée. 

Prise de dope à Farnham

3 Piuma Ti au repos

Courte halte à St-Césaire

5- De St-Césaire à St-Lambert, 45 bornes. 

On rembraye à fond la caisse sur la 112, c'est Mitch qui prend un relais pendant 10 km, elle est bonne notre nouvelle recrue. L'allure est toujours élevée à mon goût, frisant le 32 à l'heure. Martin assure le relais suivant, je suis en 2éme roue. Mais à ce rythme et à force de tirer comme un damné, ma souffrance se réveille. Il faut que j'arrête pour prendre une autre dose d'anti-inflammatoire. Mais après absorption, rien n'y fait. Tant pis, je devrais serrer les dents jusqu'au bout. 

Jean nous fait découvrir une autre route de retour à partir de Chambly, par la piste cyclable de la forêt puis en coupant à travers Brossard pour rejoindre Grande Allée. Je suis perdu dans ces quartiers même si j'habite pas loin d'ici. Le jour décline gentiment tandis que nous flânons sur Lapinière puis Victoria. Enfin voici le contrôle ultime et la fin de mon calvaire. 

Il est 20h22 lorsque nous pointons dans le dépanneur Bon Coin, soit 14h22 pour 314 kilomètres au compteur avec une moyenne de 26. Wow, à 13 minutes de mon record perso et presque synchro avec mon tableau de marche. Je dois évidemment cette performance à mes remorqueurs, mes 3 compagnons de brevet qui m'ont offert une belle assistance pendant ces 100 derniers kilomètres. Je dois bien avouer que je me voyais abandonner ce foutu 300 mais la nature humaine est quand même source de résistance insoupçonnée. 

Selfie de nos 4 faces de fin de brevet, congratulations et dislocation. Michel est bien content pour son premier 300, je pense qu'il a de belles ressources pour devenir un super randonneur de longue distance. Il a juste à travailler son mental car c'est la clé dans ces épreuves d'ultra-endurance. Et aussi à améliorer la lecture de son GPS. 

Ouf, on est arrivé !

4 belles faces de vainqueur

Autre satisfaction de la journée, c'est le nouveau meilleur temps du CVRM pour l'ami Fred, 10h19 soit une minute de moins que la précédente marque, bravo à lui. 

Fred raconte son exploit:
Une belle victoire pour moi aujourd'hui....
Toujours bon de performer dans son sport surtout lorsque l'on revient de blessures comme moi. Aujourd'hui avait lieu un brevet cycliste de 300km sur la rive sud de Montréal et.... j'ai battu le record du club détenu par moi-même et Claude Binchet le 20 juin 2013. Battu d'une minute en 10 heures et 19 minutes mais au contraire de 2013 ou nous avions fini tous les deux et ou nous avions reçu l'aide de 5 autres cyclistes une partie du parcours, là j'ai tout fait tout seul 32.1 km par heure, avec un parcours en Estrie donc avec des côtes... de bonne augure pour mes objectifs en juillet et août....

Il ne me reste plus qu'à remettre d'aplomb mon genou sérieusement magané et à régler intelligemment ma position sur ce nouveau vélo. Car le prochain défi cycliste se profile déjà la semaine prochaine, le 50 km du Tour de l’île de Montréal avec mon fiston de 11 ans !!! 

Mon brevet de 300 sur Strava avec une bonne vingtaine de PR sur ce parcours maintes fois parcouru.

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