samedi 6 mai 2017

300 km + pluie + vent + 0 motivation + 1 flat = 150 km !

Toute la semaine, le sujet principal de discussion a été la météo. Et plus particulièrement celle de samedi quand va se dérouler le 3ème opus de la saga des brevets, le 300 bornes. Faut dire que ces derniers jours au Québec, les inondations dues aux pluies diluviennes ont pris une place importante dans les journaux d'informations, on n'avait pas vu ça depuis 40 ans. Bref, les prévisions ne sont pas engageantes, beaucoup d'eau et de vent au menu à cause de cette foutue dépression venue des États Unis et je ne parle pas de Trump. La question existentielle était à nouveau de sortie, j'y vais ou j'y vais pas ? Le vendredi soir, dernier examen de Météomerdia, on peut passer à travers si nous avons de la chance. Aussi pour moi, c'est un Go !

Jour J, 4h45, je me pointe sur la ligne de départ. Nous sommes une douzaine de breveteux aguerris prêts à relever le défi des 300. Fred se prépare à l'arrière de son char, on discute un peu. Je me surprends à lui confier un ressentiment provenant certainement de mon subconscient. Les brevets commencent à me tanner pour plusieurs raisons. D'abord les parcours du club sont toujours les mêmes, quoiqu'une lueur d'espoir est apparue avec la légère modification du 200. Ensuite le stress que ça provoque en moi quelques jours auparavant, la pensée de rouler par tous les temps, y compris la nuit, je n'y trouve plus de plaisirs dernièrement. Après avoir réalisé 9 brevets pop, 14 brevets de 200, 9 brevets de 300, 5 brevets de 400 dont un abandon, 5 brevets de 600 dont un abandon programmé et enfin un PBP réussi en 2015, je pense que je n'ai plus rien à prouver, surtout à moi-même. En fait, ce qui m'encourage cette année à y participer, c'est le plaisir de conduire mon nouveau bécyk Piuma récemment acheté et le désir d'améliorer mes temps sur les différents parcours. Il faut bien se donner de nouveaux défis, sacrebleu. 

Ceci étant dit, le départ est donné à 6h03, personne n'a l'air pressé de partir. Ça commence plutôt bien car malgré un ciel menaçant, nous pédalons au sec. Je roule avec ma gang de cyclos assidus des derniers brevets, Ralph, Olivier C, Marc, Yvon, Martin L et Martin D, deux nouveaux se sont joints à nous, Carl et Jonathan. Fred a deja lâché les chevaux. Quant à Jean, Gilles et Simon, ils ferment la marche. 

Les 11 braves du 300 + 2 manquants (Photo CVRM)

Dès les premiers coups de pédale, je sens que ça ne va pas bien. J'ai du mal à suivre mes compagnons, mes pulsations sont anormalement élevées. Certes nous roulons entre 28 et 30 à l'heure avec un vent défavorable venant de l'est mais il n'a pas l'air si fort. Serait-ce dû à ma sacoche et son rack Arkel récemment installé après ma selle, le tout devant peser entre 3 et 4 kilos ? Est-ce dû à un mauvais entraînement cette semaine, trop ou pas assez, je n'aurai pas récupéré assez de force ? Ou est-ce mon organisme qui est affaibli à cause de je ne sais quoi, handicap physique ou psychologique ? 

Toujours est-il qu'après 20 bornes dans les roues, moyenne de 27 ;-), je me fais larguer à la régulière dans un faux plat longeant la 10. Me voilà seul, face au vent. Pourtant il me faut baisser le rythme cardiaque parce qu'il y a encore 290 kms à parcourir. Comme pour arranger les choses, il se met aussitôt à pleuvoir avec pas mal de nuages gris a l'horizon annonçant un futur immédiat relativement humide. Sur le boulevard industriel ramenant à Chambly, je m'arrête pour pisser, Jean me dépasse sans me voir. 

En rattrapant la 112, j'aperçois des cyclos pas très loin, sûrement le regroupement de Carl, Jonathan et Jean, mais impossible de hausser le rythme pour les rejoindre. Ça ne tourne pas rond dans mes jambes et dans ma tête, je commence à gamberger. Le constat est simple, qu'est-ce que je fous là, je n'ai pas de plaisir ! 

A Marieville, km 39, je dépasse Marc qui répare un flat, accompagné de Ralph et Martin L qui l'attendent. Pas envie de m'arrêter, je vais prendre un peu d'avance. Dix minutes plus tard, ils me rejoignent avec Gilles et me larguent sans un mot. Nouveau coup au moral. Je rallie St Césaire en négociant avec le vent, ma modeste moyenne de 25 prévue aujourd'hui sur mon tableau de marche, fond comme neige à soleil, je suis présentement à 24. 

Au contrôle, km 54, regroupement de la plupart des cyclos, cela me ragaillardit, je ne suis pas si nul que ça. Check rapide, je m'enfile banane et chocolat, je repars sans m'attarder. Il doit rester 5 ou 6 cyclos après moi, ça me rassure de ne pas être le dernier. 

Un peu reboosté, j'essaie de me motiver pour la suite, je rejoins la piste cyclable menant à Granby. La plupart de mes compères prennent cette route bien que ce ne soit pas le parcours officiel du CVRM, confère le fichier GPS. En 5 km, tous les gars derrière moi m'ont rattrapés et dépassés, ils ont l'air d'avancer facile tandis que je me traîne lamentablement à 22. 

Pour ajouter à la difficulté du vent, quelques averses s'abattent sur ma carcasse, je suis bien mouillé. Je me fais une petite frayeur en traversant un pont en bois avec les planches dans le sens de marche, c'est hyper glissant et ma roue avant commence à se dérober. Par chance, je rattrape le vélo in extremis. Nouveau coup dur pour le moral. J'insiste jusque Granby mais va falloir prendre une décision. 

Km 80, je me vélogare au Vélo-Gare face au lac, je m'assieds à une table sous abri, une nouvelle averse se déverse avec force, je grelotte. Je texte à ma chérie mon état de décomposition avancée, je lui indique que mon moral se trouve dans mes chaussettes ... mouillées ! C'est décidé, je vais rentrer, je ne suis plus motivé pour continuer, m'imaginant dans le vent, la pluie et les côtes à venir. Sur ce coup-là, pas très fort mon mental pour les brevets, que se passe-t-il ? Je suis tanné et je cède à la facilité. J'attends la fin de l'averse et fais demi tour à mon bécyk. Je suis déçu pour mon Piuma de ne pouvoir aller explorer les environs des monts de Sutton aujourd'hui, ce sera pour une autre fois. 

Sur mon retour, j'aperçois Simon qui arrive seulement, que lui est-il arrivé, problèmes mécaniques, erreur de GPS ? Je le salue et file maintenant vent dans le dos, ça change tout. En plus, la piste est en pente douce, j'ai l'impression que la forme est revenue mais pas la motivation. Même les averses cessent et le soleil tente une sortie. J'aurais peut-être dû encore insister une heure, mais c'est trop tard, c'est fait. J'ai abandonné le 300, il faut assumer cette décision, il n'y a pas de honte à cela. 

St Césaire est vite atteint avec ce courant d'air favorable, trop facile. Je m'arrête au Tim pour refaire le plein d'énergie avec un chili et un café-beigne. Il me reste 45 bornes pour en finir, vent dans le dos, une plaisanterie. Je fonce à plus de 30 de moyenne, je suis motivé ... pour rentrer chez moi, pas de regret. Je suis peut-être en train de faire une écoeurantite aigüe des brevets, faudra que je fasse le point avec moi-même, une petite pause et on y verra plus clair. Peut-être faire plus de vélo loisirs, voyage, découverte. Je dois d'ailleurs préparer un parcours pour deux jours de vélo avec mon fiston de 10 ans, c'est lui qui m'a demandé d'accomplir un 100 km sur une journée, c'est son défi à lui! 

Je dépasse Chambly sur la 112, certes bien pavée mais truffée de roches et autres objets contondants. Et ce qui devait arriver, arriva, loi de Murphy. En approchant de St Hubert à la fin de cette fameuse 112, mon pneu arrière roule sur une roche ou plutôt une broche et c'est la crevaison. Maudit pneu Cadence a marde. En réparant, j'observe de plus près la surface du pneu ayant à peine 1000 kms, il est déjà détruit, rempli de coupures, d'entailles, bouts de verre et de roches incrustées. Vraiment trop tendres ces Pro Pulsion Kevlar, je vais vite les changer et remettre mes GatorHardShell préférés qui n'attendaient qu'un autre flat pour prendre du service. Une auto s'arrête pour me demander si j'ai tout ce qu'il faut pour réparer, sympa le gars. Je le remercie car ça va aller. 

Mon Piuma renversé par un flat sur la 112

Je réintègre mon bled de banlieue à St Lambert avec 153 bornes au compteur, un demi 300, somme toute, le premier brevet de 150 du club. C'est aussi la première fois que j'arrive avant Fred, yes ! Je constate que je n'ai pas eu d'averse pour le retour, j'espère que mes compagnons auront aussi profité de cette accalmie météo. Je leur souhaite un bon brevet par la pensée, ces courageux, ces motivés. Ce n'était pas le cas pour moi aujourd'hui, mea culpa ! 

La moralité de l'histoire, c'est que si t'es pas motivé, reste couché ! J'avais prévu de faire le 400 et le 600 dans la foulée du 300. Mais fort de cette expérience, je vais peut être passer mon tour pour cette année. A moins que la flamme du breveteux qui brûle en moi, ne se rallume. A bientôt, peut-être ... 

A bientôt, peut-être ...

Pour la petite histoire, Marc m'a demandé le soir même par messagerie Facebook, comment s'était déroulé mon brevet. Je lui ai répondu que j'avais dû faire demi tour quand je me suis souvenu que je devais voter ce samedi 6 mai pour l'avenir de la France, avant la fermeture des bureaux de vote !

Je doute qu'il m'ait cru. 
Et vous, croyez-vous à toute cette histoire de manque de motivation ? 
Franchement ... 

3 commentaires:

  1. Bravo Pascal pour ton humilité et ton analyse. En effet, il n'est pas facile de garder un moral et un mental de guerrier. La question demeure, dois je accepter de souffrir pour avoir du plaisir. N'oublions pas que même si les brevets ne sont pas une course en soit, il en demeure pas moins que la compétition existe d'abord envers soi-même. Et oui, il faut bien parcourir le trajet prévu et ceci dans des fourchettes des temps établies et ceci par tous les temps. Donc faire les brevets sans avoir un esprit compétitif n'existe pas. Il est indispensable de forger son mental pour découvrir la motivation qui mènera au succès de la réussite d'un brevet. De mon coté, je me suis aussi demandé pourquoi je me trouvais là, seul dans la pluie et le vent. Je me suis concentré sur la fait que le vent allait être favorable au retour et qu'en fait je n'avais que....150 km à souffrir. Oui c'est faire un gros raccourci, mais découper un objectif en mini objectif et gagner les batailles à la file des autres nous fait gagner la guerre. De mon coté, les brevets sont un moment important dans ma préparation, j'apporte un plaisir à construire mon mental nécessaire dans la réussite de mes objectifs estivaux. C'est devenu un passage obligé pour me préparer. Alors faire des brevets comme une finalité, nous rattrape. C'est trop dur.... Lorsque tu te préparais pour PBP, tu participais aux brevets non seulement pour te qualifier pour PBP mais aussi pour te préparer physiquement et mentalement. C'était ta façon d'avoir du plaisir à y participer. A toi de trouver cette motivation pour garantir le plaisir, sinon en effet c'est mieux de rester coucher. Fred

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Fred pour ta réponse très intéressante. Tu as bien compris le sujet et mon problème de motivation. On dirait que tu as vécu les mêmes démons que moi. Ferais tu de la longue distance, toi aussi ;-) Comme tu le dis, pour faire ce genre de folie, avec tous les risques que ça comporte et tu le sais bien, il faut avoir des objectifs pour entraîner son mental en plus de son physique si on veut les atteindre. N'ayant pas d'objectif cette année, je comprends moins bien certains sacrifices, d'ou la faiblesse de mon mental. On verra ça sérieusement en 2018 pour les pre qualifs de PBP 2019, si ça me tente toujours. Amicalement.

      Supprimer
  2. Mental de guerrier ? Hum c'est pas tout le monde qui a ces valeurs là comme motivation. On est en paix, avec soi même déjà : qui veut aller loin, ménage sa monture. Etre à fond sur 300 km c'est une chose, être à fond sur 600, c'est autre chose, être à fond sur 1.230 km c'est encore autre chose et je suis persuadé que le mental de guerrier ne passe pas sur cette distance.
    Il est vrai qu'il convient d'être honnête avec soi même, quand on se dit qu'est ce que je fous là, c'est qu'on est pas à la bonne place. Comment envisager de faire un 300, un 600, un 1230 en se demandant 'qu'est ce que je fous là'.
    Si je fais un 300, un 600, un 1230, c'est que j'ai un objectif.
    Si je fais un marathon, c'est pas pour souffrir durant 5 heures, c'est parce que le faire m'apporte une réelle satisfaction, avant, pendant, ou après et que ce cinq heures là, je le veux, je ne le subis pas, sinon je m'entraine pour le faire en 4, et si je ne suis pas capable de le faire dans un temps qui me va, je ne le fais pas (sauf à aimer la souffrance et c'est alors un autre registre que je ne connais pas).

    Utiliser l'humour pour argumenter d'une situation, c'est bien sympa, c'est faire preuve de recul et on en a besoin, mais on est d'accord, c'est de l'humour !

    Pour la motivation, c'est plus de l'humour, c'est du sérieux ! Il faut trouver SON créneau : c'est quoi qui nous plait dans l'effort ? c'est avant, c'est pendant, c'est après, c'est où, c'est quoi, c'est avec qui, c'est en combien de temps ... ?
    Une fois cet aspect découvert, il me semble que les choses sont claires, on sait après quoi on pédale, grâce à quoi on pédale, pourquoi on pédale, ou autre chose, mais on sait ... on ne se demande pas 'qu'est ce que je fous là'.

    Attention qu'en Amérique du nord, on court après cette image de super héros, inspirant, extra-ordinaire, ... et que notre mentalité de 'frenchie' est moins sensible à ces valeurs, pour d'autres culturellement différentes... vouloir s'intégrer ne doit pas nous faire oublier que nos propres ressorts de motivation, ancrés depuis l'enfance, ne sont pas les mêmes que ceux la société sollicite en nous. Comme le slogan disait en 98 : la victoire est en nous.

    Pascal, la victoire (sur toi même) est en toi !
    Choisis TES victoires, participes à ce que TU veux, parce que TU vas à la victoire, car TU t'es donné les moyens de réussir, en connaissant TES ressorts.
    C'est facile à dire, je ne fais que cela, et en rajoutant une autre règle : ne pas me décevoir.
    MON pbp de 2011 a été une belle réussite, celui de 2015 une belle catastrophe.
    Pourtant PBP me motive comme jamais et chaque sortie se fait dans cet esprit de 2011 :

    mon coup de pédale me permet d'aller où je veux.

    13 heures pour faire le dernier 300 km de PBP, me fait dire que mon coup de pédale a quelque chose de bien endurant, malgré la prétention que le leitmotiv mentionné peut soulever.

    Pour apporter une aide supplémentaire à cette réflexion sur la motivation, la limite qui nous barre la route concernant le vélo ne se situe pas au niveau de nos capacités physiques, elle ne se situe pas non plus au niveau de nos capacités cardiaques (on fait de l'endurance, hein), mais au niveau de notre mental : je ne roule pas plus vite, car je ne vais pas tenir. Il ne peut pas y avoir meilleur frein que celui que l'on s'impose!
    Tu sens que tu as des limites, dépasses les et tu vas voir les nouveaux horizons qui s'ouvrent à toi !

    Bien discretement
    Anne O'Nimes

    RépondreSupprimer