samedi 28 mai 2016

300 kilos dans la surchauffe

En 2016, je me suis promis une période sabbatique de vélo après ma superbe année 2015, consécration par le PBP et surtout après 3 ans de sacrifice. Donc moins de quantité avec les brevets, plus de qualité avec du cyclotourisme, et l'envie de faire autre chose de mes jambes comme de la course à pied. Nous avons d'ailleurs un projet avec ma fillote, celui de courir un marathon prochainement, aussi faut il s'entraîner dans cette optique. 

Après avoir fait un 200 bornes en 8h43 deux semaines plus tôt, un semi-marathon en 1h56 à Longueuil la semaine passée, je décide de m'inscrire pour le 300, histoire de me remettre dans l'esprit brevet, randonneur, baroudeur de longue distance. Je n'ai pas perdu cet état mongol, celui de me lancer des défis qui me sortent de ma zone de confort, pour me plonger dans une nouvelle aventure de mange-kilomètres avec toutes les péripéties qui viennent avec. Même si 300, ce n'est pas 1200, 600 ou 400, faut quand même se farcir une quinzaine d'heures de selle (à mon rythme), ce qui n'est pas spécialement apprécié, ni généralement acquis pour le commun des mortels. 

Quelques jours précédant le brevet, la météo annonce de la flotte à profusion, ce qui freine un peu mes ardeurs car je préfère rouler au sec, tant qu'à y aller, autant avoir du fun! Mais la veille du jour J, changement radical, zéro pluie mais une chaleur caniculaire. Je me laisse donc tenter par l'aventure, anyway on a rarement les conditions idéales. 

Samedi 28 Mai 2016 à 4h15, quelque part à Verdun: 
Un cadran sonne, je saute dans la douche, j'avale mon café ainsi que deux tartines au Nutella. Je laisse ma chérie au fond du lit encore profondément endormie, la chanceuse. Celle-ci devrait néanmoins aussi aller pédaler du côté de Bromont puis me rejoindre à St Césaire pour le retour en soirée. Vélo sur l'auto, je traverse Champlain déserté à cette heure matinale, RV rituel au stationnement de la voie maritime vers 5h30 par une belle température. La gang se rassemble pour la grande messe du vélo, 11 cyclos mongols au départ, des têtes connues mais aussi des nouveaux avec qui je fais connaissance. Il y a Michael, un ricain du Colorado ayant fait le PBP 2015 en 85 heures. ll est de passage dans le secteur et a eu envie de rouler avec nous sur un vélo Argon 18 qu'il a loué, bien motivé le bougre. Le président Jean arrive sur les chapeaux de roue, juste un peu avant le départ, il distribue les précieuses cartes et nous tire le portrait pour l'inévitable photo souvenir. 6h00 pétantes, le coup de feu est donné, les fauves sont lâchés. 

Fred, Alain, Audrey, Michael, Robert, Olivier B, Pascal, Olivier C, Edgar, Éric et Jean le photographe

Km 0: 
Les rapides filent devant. Fred et Éric suivis par la fusée rouge d'Alain, puis notre ricain qui s'accroche à ces machines de guerre et probablement Roger aussi. Ensuite un duo s'improvise entre Jean et Oliver C, ils ne se quitteront pas de la journée. Notre président n'est pas très en forme aujourd'hui, racontera-t-il dans son compte rendu, son estomac lui aussi aura tout rendu! Vient ensuite votre serviteur moulinant gentiment dans les faubourgs de la banlieue, suivi comme son ombre par Edgar. Celui-ci est un habitué des brevets, pas très rapide et souvent malchanceux lors des grands brevets qu'il a tentés, échec dans PBP 2007 et en Floride récemment. 2 cyclos ferment la marche malgré eux, ce sont Olivier B et Audrey qui a du malheureusement réparer un flat dès le départ. 

Km 3:
Je croise Michel Gervais sur Victoria en sens inverse, on se salue. Il ne fait pas le brevet aujourd'hui car il va encourager mon couple de mongols préférés, Yves et Marie-Claude dans leur projet fol dinguo de la journée, soit monter 28 fois le gros Camilien de Montréal. Ils vont faire ça dans la chaleur du goudron surchauffé et le smog urbain, ouf! Et ceci pour une bonne cause puisque c'est pour une campagne de don pour la recherche sur le cancer de la prostate. Ce problème est bien connu des hommes à partir de 50 ans dont je fais partie. J'ai même gouté à une biopsie récemment et je peux dire que ça chatouille pas mal dans l'arrière train cette connerie là! Heureusement rien à signaler pour bibi. Donc pour conclure cette parenthèse caritative, donnez généreusement!

Km 18:
Revenons à notre aventure du brevet, un petit vent d'est, nord-est nous force à appuyer sur les pédales sur le chemin de Salaberry. Je mêne en tête de notre duo, Edgar mon compagnon de fortune prend quelques timides relais de temps à autre, nous progressons à 25 de moyenne.

Km 28:
On rejoint Chambly tout en discutant. Pause pipi et réglage de ma selle car elle est un tantinet de travers, pas grand chose mais juste assez pour désorganiser mon pédalage d'habitude très fluide. Et pourquoi cette selle était mal réglée? Tout simplement lors de ma récente révision chez Atelier Wellington, le mécano a eu la bonne idée de la retirer et de mal la replacer. Grrrrr, on ne touche pas aux réglages de ma selle SVP! Car tout le monde sait que ça peut causer de vilains tours, n'est-ce pas MC?

Km 38:
Nous quittons la 112 toute refaite par Marielle-ville. Nous apercevons un cyclo agitant sa roue à notre rencontre, c'est Roger Robert avec son maillot Guru. Il a vidé ses 2 cartouches de gaz pour regonfler son pneu arrière qui est toujours à plat. Ça n'a pas l'air d'être un gourou de la réparation et nous lui offrons notre d'aide. Sans hésiter un instant, Edgar lui jette une tripe et lui prête sa pompe pour tenter un ultime sauvetage. Nous le laissons à son triste sort en espérant qu'on le reverra sur le parcours pour récupérer la précieuse pompe. 

Km 50:
2 cyclos reviennent par l'arrière, c'est Olivier B et Audrey qui ont terminé de réparer leur crevaison lente. Ils s'arrêtent juste après nous avoir dépassés, stoppant pour une pause pipi, il me semble. Hey les gars, y a des toilettes au checkpoint dans 4 bornes.

Km 54, contrôle 1, Ultramar de St Césaire, 8h15:
Pas d'autres participants au contrôle à part nous 4, signature vite faite, banane partagée avec Edgar le bon saint-Bernard, un peu de jasette avec le grupetto. C'est là que je découvre qu'Audrey est une fille, bien sûr vu le prénom, mais depuis peu de temps! Oups, moi qui l'avait prise pour un gars tout à l'heure. On discute de ce sujet un peu délicat mais Audrey est à l'aise avec ça. Elle nous parle de ses récentes prises d'hormones et toute le kit, j'aperçois en effet une paire de seins poindre sous son maillot cycliste. La nature est parfois cruelle lorsqu'elle ne donne pas le sexe correspondant à la bonne personnalité.

Km 56:
Nous quittons St Césaire apercevant Roger qui a finalement réussi à réparer et restitue la pompe salvatrice à Edgar. Tellement qu'il fonce ce Roger Rabitt, qu'il a loupé le contrôle et il y retourne dare-dare. Il nous redoublera quelques minutes plus tard à vive allure, bip- bip!!!

Km 70:
Nous parcourons la tranquille piste cyclable fréquentée par moults cyclos de tout genre, la température monte gentiment, déjà 27 degrés à 10h, c'est encore supportable mais ça promet pour la suite. 

Km 80:
Voilà le vélogare de Granby, nous y retrouvons Oliver B et Audrey qui n'ont pas pris la piste cyclable, ils refont le plein d'eau, gare à la déshydratation aujourd'hui. Notre binôme repart sans tarder, Edgar suit toujours mais le relief s'en vient. 

Km 93:
Après une côtelette, un pipi dans le bois de Saxby, un texto à Marielle qui se prépare à prendre le bus la menant à Bromont, nous rejoignons justement le village en question. À partir de là, Edgar poursuivra sa route seul et à son rythme, derrière moi.

Km 100:
Dans les reliefs du Chemin Brôme, Olivier et Audrey (O&A) me dépassent à une cadence soutenue, incapable de prendre leur roue, pas envie de me griller, fait déjà assez chaud comme ça. Le vent de nord nous pousse par derrière, ça fait moins d'air dans la face, toujours en train de se plaindre celui-là!

Km 115, contrôle 2, IGA de Knowlton, 11h10:
Jean et Oliver C repartent au moment ou j'arrive, O&A viennent à peine de déclipper. Routine de contrôle, taboulé, kaiser jambon, jello aux fraises, eau bulle, autographe sur le carnet de route et nous nous installons pour casser la croûte. D'abord au frette de la clim puis dehors pour diner avec les copains et les copines. Edgar arrive sur ses entrefaites et fait de même. 30 minutes de pause et je repars le premier et solo, faut respecter les arrêts si on ne veut pas rallonger la sauce. 

Km 130:
Je file vent favorable sur la 243 aux accotements maganés, ils pourraient la refaire, nom d'une pipe en bois, depuis le temps qu'on y passe, va-t-il falloir se cotiser? Je sens dans mon dos le souffle chaud du vent, et bientôt celui d'O&A qui ne devraient pas tarder à me dépasser, étant eux aussi sur leur départ à l'IGA.

Km 145:
Peu avant d'atteindre Mansonville, commune de Potton, la fameuse paire O&A me dépasse à un train d'enfer, moi qui croyait rouler un bon train, je les vois vite fait disparaitre, tel un TGV. Chacun son rythme, c'est la dure loi du vélo. Du coup, je fais un stop au dépanneur pour noyer ma peine dans un Perrier rafraichissant, il commence à faire chaud. Je rencontre quelques couraillons vélos carbones à réparer un flat à l'ombre du magasin. 

Km 163:
Je franchis la vallée de la Missisquoi, comme dans un sèche-cheveux géant, un léger vent chaud défavorable me dessèche le gosier et surchauffe mon cerveau. J'atteins la redoutable Scénic alors que le mercure monte a 35 degrés. Heureusement quelques nuages me permettent une ascension moins pénible sous cette écrasante chaleur. 

Km 170:
Sommet dépassé, grisante descente sur Abercorn avec une pointe à 73 km-h. Je rejoins la 139 pour une poignée de kilomètres avant l'air climatisé du Subway, faut se donner des objectifs immédiats pour continuer d'avancer.

Km 180, contrôle 3, Subway de Sutton, 15h00:
Je stationne mon bécyk alors que Bernard Croteau vient me saluer, il rentre d'un tour de vélo dans les monts environnants avec des potes. Il pensait faire un 600 ou 2, si son agenda lui permet, sacré Bernard, toujours très occupé. Je dois reprendre des forces rapidement et me mettre au frais, 3 personnes devant moi pour être servi, c'est long. Je bois un V8 quasiment d'un trait en attendant mon tour puis prends un 6 pouces steak-fromage, une soupe au poulet et une boisson en fontaine. Le tout est ingurgité en textant à ma chérie ma position, mon allure et l'heure de notre impact à St Césaire. Glaçons dans les bidons et mon Camelbak, crème à cul, crème solaire, branchement de mon Garmin sur ma batterie Bolt et c'est reparti. Pas de trace de mes petits amis qui s'arrêtent généralement à l'IGA, je suis l'avant dernier de la gang d'après mes calculs, Edgar doit être loin derrière, pauvre lui, une grosse journée en perspective.

Km 193:
Je remonte par la 215 Nord à contrevent, doucement mais sûrement. Les forces sont revenues et j'ai hâte que l'après midi achève pour faire tomber cette foutue température, encore 34 degrés au compteur. Je déboule sur la 104 Ouest, le vent se remet de mon côté, yes!

Km 206:
Voici Cowansville, je sirote mes liquides refroidis par la glace, j'arrive à contenir ma soif comme un chef aujourd'hui, youpi. Ma direction oblique sud-ouest, vent de nord-est, ça pousse légèrement, j'enquille les kms jusqu'à ma pause habituelle à l'Ultramar de Dunham.

Km 213:
Encore des boissons fraiches, Perrier et Pepsi, c'est plus fort que moi. J'avale 2 autres pouces de mon 6 pouces, les solides sont plus durs à avaler par forte chaleur. Encore un texto à ma dulcinée certainement moins calcinée, Marielle a photographié des tortues sur la piste de Granby. Je lui signale que je suis à 52 km de notre point de rencontre et elle à 30 km. 

Km 222:
Les derniers kilos faciles puis je bifurque plein nord, 40 km avec un petit vent dans le pif. J'aime pas trop cette route du retour, quoique très tranquille et bucolique. Mais c'est le moment ou on a hâte d'arriver au dernier contrôle car la fatigue commence à s'accumuler, d'autant plus avec ce pervers petit zéphyr.

Km 245:
Farnham et sa voie de contournement, une ultime halte dans l'herbe pour dégourdir les jambes et m'enfiler le dernier 2 pouces restant, je reprends mes esprits quelques minutes. La température a enfin baissé, il est 18h30, la chaleur et la soif sont de moins en moins problématiques. Dernier rush de 20 bornes vers le Tim, cette portion est vite avalée.

Km 266, contrôle 4, Tim de St Césaire, 19h30:
J'aperçois Marielle qui est arrivée depuis un quart d'heure, le timing est respecté. Elle s'enfile un wrap avec thé glacé tandis que je commande soupe, yogourt et aussi un thé aux agrumes, j'arrête de boire du coke qui pourrait m'empêcher de dormir, l'arrivée étant proche. On discute de notre journée, elle a monté 2 fois le mont Shefford et elle pense avoir fait un temps intéressant ... dans la descente! Pas trop le temps de placoter, une courte pause et c'est reparti mon kiki pour la destination finale. Nous sortons les lumières et les accessoires flashy, il va faire nuit dans pas long. 

Km 285:
Ma chérie mène la danse, vent favorable, je suis comme je peux derrière, admirant le paysage au soleil couchant, une belle lune fait son apparition. La nuit nous enveloppe gentiment, les lumières de Richelieu sont atteintes, et son pont enjambant la rivière du même nom.

Km 303:
Au tour du toboggan de la 30 à St Hubert d'être dépassé. Je regarde le chrono, je peux faire moins de 16 heures si je pousse un peu alors poussons. Quelle manie de breveteux de vouloir faire moins que l'heure qu'on est en train d'atteindre. Petits sprints par-ci, par-là pour éviter les feux de circulation et les stops aux arrêts!

Km 311: contrôle 5, dépanneur Bon Coin de St Lambert, 21h47:
Ultime sprint sur Victoria, je pointe au dépanneur avant 22h, exactement 21h47, soit 15h47, yes, suis satisfait. Pas pire pour 311 km, d'autant que j'ai fait 100 km accompagné mais devant, 160 km tout seul puis 50 km tractée par ma cocoon. La dame du dép me commentent les arrivées des précédents breveteux, 2 cyclos (Roger et Michael) à 19h56, 4 cyclos à 20h55! Quand je parlais de cette manie d'arriver sous l'heure, c'est encore une fois vérifié. Somme toute, juste 52 minutes après le quatuor de Jean, des Oliviers et Audrey, c'est presque bon. Ils ne roulaient pas si vite que ça après tout ou alors ils se sont arrêtés plus longtemps que moi.

Moi et ma cocoon

En tout cas, encore un brevet dans la musette mais je ne pense pas faire de 400, ni de 600 cette année, sabbatique oblige. Nous récupérons un peu de protéines avec du lait au chocolat et ingurgitons un perrier pour se réhydrater. De retour à l'auto dans le  stationnement, nous sommes surpris de voir Oliver C endormi dans sa Toyota, vélo sur le top, dure journée pour lui, on dirait. Sans le déranger, nous remballons le matose et réintégrons notre base de Verdun by night. Une bonne douche, un résumé du Giro en sirotant une bière et zou au lit. Pas besoin de compter les moutons pour ce soir, j'ai assez compté de bornes pour aujourd'hui. Bonne nuit les petits. 

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